Valoriser l’entrepreneuriat social

Lors de la création d’une nouvelle entreprise, la première question à laquelle il faut répondre est de savoir sous quelle forme juridique elle sera établie. Après cette distinction importante, il est important de réaliser que les obligations et les enjeux des représentants légaux de l’entreprise seront les mêmes, à une exception près : la finalité de la profitabilité financière de l’entreprise.

Dans ce cas, pourquoi choisir l’entrepreneuriat social en sachant que nous aurons la même charge de travail à investir pour développer l’entreprise, mais sans en retirer davantage de bénéfices financiers personnels?

Ma réponse : la primauté de notre aspiration à contribuer au bien commun. C’est-à-dire que notre besoin prédominant d’avoir un impact social significatif, durant le temps qui nous est alloué sur cette terre, est plus important que le montant d’argent que nous aurons réussi à accumuler tout au long de notre vie.

Attention, cela peut sembler bien vertueux. Pourtant, ça ne signifie aucunement que nous n’avons pas un grand appétit pour la richesse financière. Il s’agit simplement d’une hiérarchie de valeurs.

L’un des constats importants que j’ai faits dans mon vécu, c’est la relation sensible entretenue entre le bien commun et l’argent. Comme s’il y avait une réconciliation à faire. Comme si le fait d’aspirer à faire de l’argent et prospérer n’était pas compatible avec le fait d’affirmer que l’on travaille pour le bien commun. La même incompatibilité semble teinter les mentalités concernant un entrepreneur privé, qui ne pense qu’à faire toujours plus d’argent, peu importe les conséquences sur le bien commun et l’environnement.

En contrepartie, j’ai vu des gestionnaires d’organismes à but non lucratif se voter des salaires indécents en regard de l’écart avec ceux des autres employés alors que des personnes fortunées pouvaient faire des dons majeurs en toute discrétion, sans en retirer aucune gratification publique.

Ainsi, il ne faut pas en rester aux a priori. Avant de porter un jugement définitif, il est nécessaire d’approfondir les actions et les résultats de l’entreprise. Repérer le mouvement de l’argent et constater comment il circule (ou dort) et à qui il profite véritablement.

Chose certaine, le rapport positif à l’argent est essentiel à l’entrepreneuriat, qu’il soit social ou privé!

Aussi, j’ai expérimenté qu’il y a une grande différence entre « diriger » et « entreprendre ». À mes yeux, celle-ci se trouve dans le niveau d’imputabilité et le lien d’appartenance à l’entreprise.

Remplacer un dirigeant n’a pas la même incidence que le départ d’un entrepreneur. Sans atténuer la qualité d’un grand dirigeant à qui l’on succèdera, l’engagement d’un entrepreneur s’inscrit dans sa relation forte avec la raison d’être de l’entreprise, relation qui ne peut être compromise par aucun facteur externe. Cette relation est à ce point ancrée que s’en éloigner peut générer un grand sentiment d’abandon chez l’entrepreneur.

Le mandat d’un dirigeant influencera assurément l’épanouissement et la prospérité d’une entreprise, mais l’entrepreneur offre littéralement à l’entreprise une part de lui-même. Le sens du sacrifice est implicite à l’entrepreneur et il ne s’en plaint jamais. Il comprend et accepte cette réalité comme faisant partie prenante de son choix et de la vision qui l’anime.

Ainsi, les dirigeants d’un organisme à but non lucratif ne sont pas nécessairement des entrepreneurs sociaux. Les dirigeants gèrent des budgets majoritairement composés de subventions. Les entrepreneurs sociaux négocient des ententes et génèrent de nouvelles sources de revenus en bonifiant la proposition de valeur de l’entreprise. Le besoin de faire croître l’impact de leur mission sociale est fort et continu.

Enfin, pourquoi est-ce important de mettre en lumière l’entrepreneuriat social?

D’abord, parce qu’il s’agit d’une profession encore trop méconnue et pas suffisamment valorisée.

Ensuite, parce que nous ne sommes pas suffisamment nombreux pour répondre à la croissance des besoins sociaux et des défis environnementaux. D’ailleurs, pour augmenter l’attractivité de l’entrepreneuriat social, il est nécessaire de faciliter l’accès au soutien financier pour des investissements ainsi qu’à la formation et l’accompagnement des entrepreneurs sociaux.

Pour conclure, l’une des valeurs ajoutées de l’entrepreneuriat social se trouve, à mes yeux, dans le leadership qu’il propose et sous-tend. Les employés travaillent AVEC un entrepreneur pour actualiser une mission sociale plutôt que de travailler POUR les intérêts personnels d’un entrepreneur.

Cette dynamique réfère aux titres de propriété de l’entreprise, aux parts réparties entre les actionnaires. L’entrepreneuriat social offre quant à lui, un potentiel illimité du partage des titres de propriété de l’entreprise. En effet, c’est le sentiment d’appartenance et l’engagement à la mission de l’entreprise sociale qui définissent les bénéfices que retire la grande communauté d’individus mobilisés.

David Caron – Entrepreneur social, fondateur et président-directeur général du Groupe Probex

En 2009, David Caron a fait le choix de quitter son engagement de gestionnaire dans le milieu de l’éducation afin d’assurer la pérennité de l’organisme à but non lucratif Monchénou, fondé par ses parents en 1985.

Lors de son entrée en fonction à la direction de Monchénou, la maison hébergeait 5 résidants.

En 2014, il fonde le Groupe Probex et le Programme de participation citoyenne.

Aujourd’hui, en plus d’accueillir près de 100 stagiaires annuellement dans sa filiale Éducation, le Groupe Probex héberge 50 résidants via 6 maisons dont les services sont gérés par Monchénou, intégré en tant que filiale en 2019.

Depuis l’année 2024, une transition progressive de ses responsabilités à la direction générale du Groupe Probex s’effectue afin de lui permettre de consacrer le reste de son vécu professionnel à mettre son expertise et son expérience au service de la mission du Groupe Probex-Conseil qu’il a fondé cette année.